Alliance de trois acteurs majeurs de l’énergie, le consortium Armorique Énergie Marine a été sélectionné pour participer au dialogue concurrentiel ouvert dans le cadre de l’AO5 Bretagne Sud. Alexandre Franceschini, vice-président de Corporate Finance and Origination Europe chez Corio Generation, Antoine Becker, directeur des appels d’offres flottants France chez TotalEnergies renouvelables, Olivier Guiraud, directeur général de Qair Marine, nous livrent les points forts de leur association et leur vision de la filière.
Pouvez-vous présenter votre consortium et ce qui fait sa force par rapport aux autres candidats pré-sélectionnés ?
Alexandre Franceschini : Notre consortium est résolument orienté vers le développement territorial. Il réunit les compétences techniques et les capacités financières de trois grands groupes bénéficiant d’une solide expérience dans le développement, le financement, la construction et l’exploitation de projets d’énergies renouvelables. Chacun affiche des ambitions fortes pour contribuer à l’essor du secteur éolien en mer flottant. Filiale du Green Investment Group, Corio est leader mondial du financement de projets d’énergies renouvelables et pionnier de l’éolien en mer. Il est intervenu dans plus de vingt projets éoliens en mer à travers le monde représentant plus de 14 GW de capacité totale en Europe et en Asie.
Olivier Guiraud : Producteur indépendant d’énergies renouvelables, le Groupe Qair dispose d’un ancrage fort dans les territoires français. Il est par ailleurs présent sur la scène internationale et a mené à bien le développement de la ferme pilote EolMed en Occitanie et contribué à la maintenance et à l’exploitation de la première éolienne flottante installée au large du Croisic, Floatgen.
Antoine Becker : Outre sa force de frappe financière, les principaux atouts du consortium résident dans sa?complémentarité, sa crédibilité technique et sa capacité à développer et à délivrer ce projet éolien en mer flottant français en maîtrisant l’ensemble des risques associés. Nous pourrons notamment nous s’appuyer sur des retours d’expériences dans l’éolien en mer flottant à des stades de développement différents : EolMed en France (30 MW), Erebus au Royaume-Uni (96 MW), Bada en Corée du Sud (>2 GW), qui ont permis aux membres du consortium d’établir des relations commerciales étroites avec les principaux fournisseurs de flotteurs (Ideol, Principle Power, etc.) et les turbiniers. Nous bénéficions également de connaissances pointues en matière de technologies flottantes, acquises notamment via l’expertise de la compagnie TotalEnergies dans la conception, la construction, l’installation puis l’exploitation et la maintenance de structures flottantes en environnements marins complexes. En outre, nous développons et construisons actuellement plusieurs projets éoliens en mer dont trois projets d’éolien en mer flottant. Cette expertise est aujourd’hui appliquée dans le cadre d’études spécifiques (revue des flotteurs, plans d’exécution et adaptabilité aux évolutions des turbines, aux ancrages et aux câbles), visant à lever certains des verrous technico-économiques de l’éolien flottant. Nous disposons en outre de capacités en R&D, pour aller au-delà de la mise en œuvre des technologies actuelles et réduire notamment les coûts et l’impact sur l’environnement. Nos équipes rassemblent des compétences reconnues dans le développement, la prise en compte de l’environnement et la concertation des parties-prenantes aux projets, les domaines financiers et techniques. Ces trois entreprises peuvent enfin se prévaloir d’avoir déjà éprouvé leur capacité de collaboration dans le cadre d’expériences communes, à l’instar du partenariat entre Qair et TotalEnergies sur EolMed ou celui de Corio et TotalEnergies sur des projets éoliens en mer, en Corée du Sud, l’appel d’offres Scotwind en Ecosse ou encore le Round 4 en Angleterre.
Quel est selon vous le principal défi pour la construction du premier parc commercial flottant ?
Antoine Becker : Les principaux défis pour la construction du premier parc commercial flottant sont d’ordre industriel et portuaire, ainsi que social. Le premier enjeu consiste à structurer une chaîne d’approvisionnement avec une forte composante française. Il est également nécessaire d’adapter les infrastructures portuaires à l’évolution technologique : d’une part à la taille de plus en plus grande des turbines, et d’autre part, aux nouvelles technologies de flotteurs, qui vont nécessiter des espaces portuaires et des capacités d’assemblage et d’intégration à quai très importantes, ainsi que des technologies de mise à l’eau appropriées. Très peu de ports européens sont actuellement à même d’accueillir des flotteurs aussi larges en quantité nombreuse. L’intégration en série des flotteurs est dès lors un des principaux défis pour la construction du premier parc. Pour assurer la compétitivité de cette nouvelle filière industrielle, la chaîne d’approvisionnement devra donc être optimisée. Un enjeu est de parvenir à faire des flotteurs de plus en plus légers, nécessitant moins de matière première, sans pour autant menacer la stabilité et la performance, tout en assurant la standardisation nécessaire à l’industrialisation L’autre condition nécessaire au succès du premier parc commercial flottant sera d’embarquer l’ensemble des acteurs des territoires d’implantation dans le projet et de maximiser ses retombées économiques locales afin d’en assurer l’appropriation collective. La formation et l’emploi local généré par le projet joueront dans ce cadre un rôle clé, d’autant plus que la structuration rapide d’un système de formation technique à tous les niveaux constituera le facteur essentiel à la mise en place d’un tissu industriel local performant et compétitif qui puisse être prêt à accueillir un maximum d’activités en lien avec le projet dès 2027. La Région des Pays de la Loire dispose à ce titre d’une avance considérable et d’un écosystème privilégié avec le pôle de recherche et d’innovation Weamec et sa formation continue de référence dans les EMR et l’éolien offshore, dispensée conjointement par Centrale Nantes et Nantes Université.
Quels sont selon vous les points forts et les points faibles de la filière française de l’éolien en mer ?
Olivier Guiraud : Les points forts sont notamment les façades maritimes importantes du territoire français, le fort potentiel de développement, l’ambition forte affichée avec le Pacte éolien en mer, les usines d’assemblage de pâles et turbines déjà en place, le premier appel d’offres commercial sur le flottant, le support aux infrastructures et à l’innovation, notamment portuaires, via les AMIs (appel à manifestation d’intérêt), mais aussi le volontarisme des territoires d’implantation, notamment des Régions. S’agissant des points faibles, on peut déplorer la lenteur des procédures (en partie couverte avec les réformes réglementaires récentes), le manque de planification et d’anticipation des réseaux de distribution d’électricité pour permettre une accélération du développement et des économies grâce aux synergies que cela impliquerait, pour permettre la pérennisation de la filière industrielle, et donc des?spécialistes formés spécifiquement pour l’éolien marin. On peut aussi pointer la lenteur de mise en œuvre des réformes réglementaires nécessaires (ex : statut des travailleurs en mer, cas des parcs entre?ZEE/DPM et cadre juridique et fiscal en ZEE). Le retard dans la construction et la mise en opération des parcs éoliens en mer français n’aide pas la filière, et notamment les entreprises des rangs 2 à 4 à se développer. Toutefois, la mise en service prochaine du parc de Saint-Nazaire et des parcs qui suivront devrait fortement accélérer la diffusion des bonnes pratiques et permettre à la filière française de capitaliser sur de premiers retours d’expériences concrets sur la chaîne d’approvisionnement.
Quelle est votre stratégie pour les retombées économiques locales du projet ?
A. F. : Notre consortium a signé la charte des clusters, à laquelle Neopolia est associée, dans le but de soutenir la structuration d’une filière régionale de l’éolien flottant. À travers cette charte, nous nous engageons notamment à faciliter l’accès au marché des TPE-PME-ETI françaises en communiquant sur les AMIs (Appel à manifestation d’intérêt) en amont de chaque phase du projet et en commençant dès à présent à identifier les besoins de montées en compétences et les actions de formation nécessaires. Nous avons d’ores et déjà noué des relations étroites avec le monde académique, les acteurs de la formation et le milieu de l’insertion. Par ailleurs, nous avons d’ores et déjà entamé un travail d’identification des compétences locales en lançant, dès le début de cette année, un questionnaire de recensement auprès des entreprises des territoires ligérien et breton, leur permettant de se positionner sur les différents segments et lots d’activités du projet, par phase. Ce recensement doit permettre au consortium d’affiner sa connaissance du tissu industriel local et d’identifier les éventuels trous dans la raquette qu’il sera nécessaire de combler en mettant en place et en soutenant des dispositifs de formation et d’apprentissage à destination des métiers en tension ou peu marinisés. Le consortium s’est notamment appuyé sur le réseau du cluster industriel Neopolia et l’agence régionale Solution&co pour diffuser ce questionnaire auprès des entreprises ligériennes. En matière d’emplois, on estime que le développement de ce parc éolien flottant pourra générer A MINIMA?100 à 150 ETP locaux pendant deux ans pour contribuer à la construction du parc, 50 à 75 ETP locaux pendant toute la durée d’exploitation du parc (soit 25 à 30 ans) et environ 70 ETP locaux pendant les phases d’installation et de démantèlement du parc.
Quelles sont vos attentes/quelles actions envisagez-vous ou avez-vous déjà mis en œuvre avec les acteurs des Pays de la Loire et Solutions & Co en particulier ?
O. G. : Notre consortium est pleinement conscient de la proximité de la Région des Pays de la Loire avec la zone d’implantation de l’AO5 ainsi que de l’avancée de la Région en matière de développement de la filière éolienne en mer, puisque celle-ci accueille déjà un parc éolien posé en construction sur le point d’être mis en service (Saint-Nazaire), ainsi qu’un parc posé sur le point d’entrer en construction (Les Iles d’Yeu et Noirmoutier). C’est donc non seulement une opportunité pour le projet Bretagne Sud mais une nécessité?que de s’appuyer sur les compétences et capacités ligériennes pour contribuer à sa mise en œuvre. Nous avons rencontré la vice-présidente de Région en charge de la Mer et du Littoral et commencé à échanger avec les représentants de Solutions&Co et du Grand Port maritime de Nantes Saint-Nazaire (GPMNSN). Nous entendons, quand nous serons lauréats de l’AO5, contribuer à la valorisation de l’identité maritime de la région Pays de la Loire et à la promotion de l’économie bleue en faisant bénéficier aux acteurs ligériens des retombées du projet. Il s’agira notamment de nous appuyer sur les complémentarités entre le Port de Brest et le GPMNSN, afin d’en accompagner le développement équilibré et de capitaliser sur le retour d’expérience à forte valeur ajoutée du PNSN dans la construction d’un parc éolien en mer. Le consortium a organisé le 28 juin dernier une demi-journée en partenariat avec Neopolia et Solutions&Co en vue de présenter le projet AO5 aux entreprises ligériennes et identifier celles d’ores et déjà susceptibles de se positionner dans la chaîne d’approvisionnement.